La dépression… Kesako ?

Sujet qui revient souvent au devant de l’actualité, la dépression parle d’elle à travers les médias, les réseaux sociaux, ou encore via notre entourage. Certains vont même jusqu’à dire qu’il s’agit de la maladie du 20e et du 21e siècle. Néanmoins, connait-on vraiment cette maladie ? Différents experts se sont penchés sur cette maladie commune mais finalement méconnue, et je me propose, dans cet article, de faire une synthèse des différents points de vue sur la question.

A quoi ça ressemble, la dépression ?

Pour pouvoir établir un diagnostic de dépression, les psychiatres et psychologues vont utiliser des critères issus du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (plus communément appelé DSM, aujourd’hui à la version 5). Il s’agit d’un livre reprenant tous les symptômes, validés scientifiquement, des différentes psychopathologies connues. En ce qui concerne la dépression, le DSM parle d’épisode dépressif majeur, et s’appliquerait lorsque différents signes (au moins 5 sur la liste ci-dessous) sont présents, pendant au moins 2 semaines :

  • Humeur dépressive présente la plus grande partie de la journée, presque tous les jours, comme signalée par la personne (p. ex., se sent triste, vide, désespérée) ou observée par les autres (p. ex., pleure).
  • Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes, les activités, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
  • Perte de poids significative en l’absence de régime ou gain de poids (p. ex., changement de poids excédant 5 % en un mois), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours.
  • Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
  • Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (observable par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
  • Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
  • Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).
  • Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
  • Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.

Ces symptômes doivent entraîner un souffrance significative pour la personne, et ne peuvent pas s’expliquer par un autre trouble (comme un trouble bi-polaire), ni par la prise d’une substance quelconque.

Il est important de noter que, pour être valide, un diagnostic de dépression doit être posé par un professionnel de la santé, soit un psychiatre ou un psychologue.

Oui, mais, ça vient d’où ?

Si les professionnels s’accordent globalement sur les signes observables qui amènent à penser à une dépression, l’explication de l’origine de celle-ci est davantage sujet à débat. La position du professionnel, ainsi que le diagnostic qu’il posera, sera souvent liée à ses propres croyances sur la question. Néanmoins, on peut trouver différents types de dépression, chacune portant ses propres sources, et répondant différemment aux différents traitements disponibles.

La dépression mélancolique

La mélancolie s’apparente à un trouble psychiatrique, en ce qu’il est d’origine organique. Ici, c’est un dérèglement de la chimie du cerveau qui est en cause. Dès lors, aucun événement ni phénomène transitoire ne peut expliquer l’apparition de la maladie. A l’heure actuelle, la mélancolie a tendance à se transformer en maladie chronique, comme un diabète, et se gère avec l’aide d’un psychiatre qui pourra prescrire un traitement de fond à base d’antidépresseurs. Le psychologue pourra également aider à gérer les aléas de la maladie en travaillant sur les stratégies d’adaptation (par exemple via la Pleine Conscience) ainsi que sur l’impact de la maladie sur les relations familiales et/ou professionnelles.

Voici une vidéo décrivant le ressenti des personnes souffrant de dépression mélancolique : Le chien noir.

La dépression saisonnière

A nouveau, l’origine de cette forme de dépression est à rechercher sur le plan biologique, mais ici, peut-on encore parler de maladie ? En effet, plusieurs auteurs s’accordent pour dire qu’il s’agirait d’un reliquat d’un mécanisme tout à fait adaptatif dans le règne animal : c’est l’hibernation. De fait, en tant qu’animaux, nous sommes biologiquement programmés pour vivre au fil des saisons, les ressources étant plus abondantes quand il fait chaud, et moins quand l’hiver vient. La chimie du cerveau s’adapte au niveau d’ensoleillement ambiant, celui-ci favorisant la production de vitamine D dans l’organisme. S’il y a moins de soleil, nous produisons moins de vitamine D, et notre fonctionnement se met à ralentir.

Pourtant, au fur et à mesure de notre évolution culturelle et technologique, nous nous sommes affranchis de ces limites naturelles, et la société nous demande aujourd’hui d’être aussi performant l’été que l’hiver, et donc fini par juger pathologique ce qui est tout à fait naturel. Pour la plupart, nous nous sommes bien adaptés à ce changement de rythme, mais certains ressentent davantage que les autres les effets de cet héritage de l’évolution. Pour ceux-là, un antidépresseur ne sera pas d’une grande utilité. Il suffit d’une cure de provitamine D et magnésium, couplée à une luminothérapie chaque année, d’octobre à mars (approximativement), pour faire croire à notre cerveau qu’il est en été toute l’année.

La dépression réactionnelle

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une dépression qui survient “en réaction à” quelque chose… Mais à quoi donc ? On peut ici répertorier deux catégories de situations : la perte et un contexte inadéquat.

La dépression suite à une perte

C’est sans doute le cas de figure le plus commun, aux yeux du grand public : “depuis qu’il a perdu ses parents, il fait une dépression”, ou encore : “il est tombé en dépression le jour où il a perdu son travail” sont des phrases que l’on entend, parfois, malheureusement. Une dépression suite à une perte (que celle-ci soit jugée grave ou banale par les autres, peu importe) nous renvoie, de façon systématique, à notre identité et à nos appartenances, fondements de notre psychologie.

Identité et appartenances fonctionnent de concert : qui je suis me permet de savoir à quels groupes je souhaite appartenir, et les groupes auxquels j’appartiens me renforcent dans mon identité. Un peu comme le dilemme de l’œuf et de la poule, aucun des deux ne prime sur l’autre, l’un renforçant l’autre continuellement. Dès lors, la perte peut survenir dans l’une ou l’autre sphère de notre fonctionnement :

  • dans l’appartenance : décès d’un proche (ami, parent, enfant,…) ou perte d’une situation ou d’un statut (d’un travail, renvoi d’un club ou d’une école, disparition d’un groupe, départ des enfants quand ils sont grands,…) ;
  • dans l’identité : annonce d’une maladie, perte d’autonomie (précoce ou attendue), découverte d’une particularité (par ex., Haut Potentiel ou homosexualité),…

Dans ce cas, le vécu dépressif peut être interprété comme un message que notre esprit nous envoie pour nous mettre en retrait et “faire le point” sur le changement qui survient. Il est parfois possible de faire ce point seul, ou avec l’aide compatissante d’un ami ou d’un proche, mais ici, l’accompagnement par un psychologue sera particulièrement indiqué. En effet, celui-ci, par ses questions, vous permettra d’approfondir ce regard que vous portez sur vous-même, en le mettant en perspective avec votre histoire personnelle et familiale. L’antidépresseur ne sera utile ici que pour masquer les affects dépressifs, mais ne constituera en aucun cas un traitement. Un peu comme une rustine sur un pneu crevé, l’antidépresseur aide en attendant de changer, mais ne fait pas survenir le changement.

La dépression dans un contexte inadéquat

Nous vivons dans différents contextes, qu’il s’agisse de la famille, de notre travail, de l’école,… Et, parfois, en lien avec ce milieu, nous pouvons ressentir des affects qui ressemblent à une dépression. Il arrive aussi, fréquemment, que nous ne percevions pas la toxicité de ce contexte, tant cela nous semble normal à force d’y être habitué. Dans d’autres cas, nous percevons qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, et nous cherchons un bouc-émissaire (notre patron, nos enfants, un collègue, ou le conjoint,…).

Sauf cas extrêmement rare d’être en présence d’une personne volontairement toxique (auquel cas, vous n’avez pas d’autre choix que de quitter ce contexte, vous n’avez pas le pouvoir d’agir sur lui ou elle), la dépression dans un contexte inadéquat s’explique moins par les caractéristiques des personnes en présence que par les “règles du jeu” relationnel, généralement celles auxquelles on ne pense pas ou que l’on ne perçoit pas, parce que non-dites. Si le contexte est le travail, différentes ressources peuvent être mobilisées : la hiérarchie en premier lieu, puis le service externe de prévention. Dans ce cas, et dans tous les autres, un psychologue pourra également vous aider à faire le point sur cette source de souffrance, en décodant avec vous les tenants et aboutissants des règles et croyances régissant ce contexte, et votre manière de vous impliquer là-dedans. A nouveau, l’utilisation d’un antidépresseur, bien qu’utile parfois pour apaiser les affects, ne sera pas la solution.

En conclusion

Bien que ce soit un sujet dont on parle depuis longtemps, la dépression est un sujet souvent mal connu du grand public. Son caractère “multi-facette” peut parfois déconcerter. Or, un diagnostic bien posé sera la condition sine qua non pour une prise en charge adéquate. A nouveau, seul un professionnel de la santé mentale (psychiatre ou psychologue) sera à même de poser le bon diagnostic, afin d’opérer la bonne prise en charge. Ne pas rester seul face à votre souffrance est donc le seul chemin efficace pour en sortir.